Le chercheur Jean-Claude St-Amant donne l’heure justepar
Nouvelles CSQ
Dans un livre de 126 pages solidement documenté de nombreuses statistiques, Jean-Claude St-Amant s’attaque aux mythes entretenus sur les garçons et l’école québécoise. RÉUSSITE ÉDUCATIVE "L’idée largement répandue que les filles réussissent beaucoup mieux à l’école que les garçons ne résiste pas à une analyse objective tant des données internationales que québécoises. Cette perception fausse est entretenue par certains groupes d’hommes conservateurs qui profitent du vent de droite pour prétendre à la discrimination et justifier ainsi leurs attaques contre les femmes et le féminisme." Chercheur en éducation au Centre de recherche et d’intervention sur la réussite scolaire (CRIRES) de 1992 à 2006, Jean-Claude St-Amant est l’auteur d’un livre intitulé Les garçons et l’école qui vient de paraître aux éditions Sisyphe, dans lequel il répond à la fameuse question : Les garçons québécois vont-ils si mal que cela à l’école ? Et la réponse est catégorique : NON. Dans un livre de 126 pages solidement documenté de nombreuses statistiques, Jean-Claude St-Amant s’attaque aux mythes entretenus sur les garçons et l’école québécoise. 1er mythe Faux, démontre Jean-Claude St-Amant. " Les écarts de réussite entre les filles et les garçons quant au rendement sont nettement exagérés. En fait, la seule matière oil l’on retrouve un retard des garçons par rapport aux filles est la langue d’enseignement (lecture et écriture). Et cela n’est pas unique au Québec puisque le même phénomène est constaté dans l’ensemble des pays industrialisés ", explique le chercheur. 2e mythe Attention ! L’universitaire soutient que la perception est également faussée lorsque l’on parle du taux de décro¬chage scolaire chez les garçons et les filles. "En effet, l’écart est beaucoup moins prononcé que ce que prétend la croyance populaire. Chez les élèves de 17 ans, par exemple, le taux de décrochage se situe actuelle¬ment à 8 % chez les filles comparativement à 15 % chez les garçons, ce qui est loin d’être la situation catastrophique que certains s’imaginent", affirme Jean-Claude St-Amant. 3e mythe Faux. Le chercheur démontre, chiffres à l’appui, que lorsqu’on considère l’évolution des taux de décrochage scolaire des garçons et des filles entre 1979 et 2004, la situation s’améliore. " Si l’on considère les jeunes de moins de 20 ans, on constate que le taux est passé chez les garçons de 43,8 % en 1979 à 24,3 % en 2004. Pour la même période, le taux est passé chez les filles de 37,2 % à 13,9 % ", précise M. St-Amant. Le mythe d’une école discriminatoire à l’égard des garçons ne tenant donc pas la route, Jean-Claude St-Amant croit qu’il faut résister aux pressions de certains groupes qui réclament un soutien spécifique pour les garçons basé sur la non-mixité, les stéréotypes sexuels, un plus grand nombre d’hommes enseignants ou une pédagogie calquée sur le jeu et le sport. Ce n’est pas tant le sexe de l’élève qui influence les résultats scolaires que le milieu social d’origine. Par exemple, une analyse comparative du taux de réussite à l’épreuve de français langue d’enseignement, réalisée en tenant compte du milieu socioéconomique, montre que plus on se rapproche des milieux ouvriers et populaires, plus les écarts risquent d’être marqués. Un autre constat établit que les garçons sont plus affectés que les filles lorsqu’ils proviennent d’un milieu socioéconomique plus faible, selon les recherches disponibles. Le chercheur conclut que les efforts pour améliorer la réussite scolaire doivent viser l’ensemble des élèves, filles et garçons, puisque les données confirment qu’il n’existe pas de différence notable dans le rendement des deux groupes. " Le vrai problème de l’école québécoise n’est pas que les garçons vont mal. C’est plutôt qu’il y a encore trop de garçons et de filles qui échouent à l’école et il est nécessaire d’adopter une politique de réussite s’adressant à l’ensemble des élèves, peu importe leur sexe, si nous voulons améliorer les choses ", commente M. St-Amant. 1er moyen " Plusieurs recherches confirment que plus un jeune (ce qui est plus présent chez les garçons) adhère aux stéréotypes sexuels et moins il va bien à l’école. Les stéréotypes sexuels entravent la réussite ; il ne faut donc pas se surprendre qu’alors qu’ils sont plus présents en milieu socioéconomique plus faible, c’est également dans ces milieux que l’écart de réussite entre les garçons et les filles est le plus élevé ", fait remarquer Jean-Claude St-Amant. 2e moyen Une deuxième intervention essentielle pour améliorer la réussite est de favoriser de bonnes pratiques de lecture. " Une étude réalisée en 2003 dans l’ensemble des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) auprès de jeunes de quinze ans arrive à cette conclusion : plus un jeune lit, plus il fait des lectures élaborées et meilleurs seront ses résultats. Les bonnes pratiques de lecture ont un tel impact sur les résultats que des jeunes provenant de milieux modestes et qui lisent beaucoup obtiennent de meilleurs résultats que des jeunes de milieux favorisés qui lisent peu. Si l’on réussissait à augmenter les pratiques de lecture des élèves dans l’ensemble de nos écoles, le Québec pourrait devenir le premier endroit au monde où l’on vaincrait l’origine sociale comme déterminant de réussite scolaire ", explique le chercheur. Jean-Claude St-Amant donne l’exemple d’une école primaire dont les élèves proviennent d’un milieu socioéconomique faible et multiethnique, où l’on a travaillé durant trois ans à mettre en place un programme d’immersion en lecture. " Au cours des trois années suivantes, les écarts de réussite entre filles et garçons avaient été réduits à zéro, et ce, dans toutes les matières. De plus, le taux de réussite des élèves de cette école a grimpé et a été maintenu à 95 % ", fait part le chercheur. 3e moyen L’universitaire soutient qu’une troisième intervention nécessaire pour faciliter la réussite scolaire est de former les élèves afin qu’ils prennent en charge leur propre scolarisation, c’est-à-dire d’encourager l’autonomie des jeunes. " Plus les garçons et les filles sont autonomes dans l’organisation de leurs travaux et dans la gestion de leur temps et meilleurs sont leurs résultats. Chez de tels élèves, la motivation est également plus élevée et le plaisir d’apprendre se développe. La conséquence est que l’on constate une augmentation des aspirations scolaires. Les devoirs ne représentent plus un fardeau pour l’élève ", explique le chercheur. La solution Jean-Claude St-Amant conclut en rappelant que toutes les expériences vécues ailleurs en Occident comme au Québec démontrent clairement qu’en soi, le sexe a peu à voir avec la réussite et que ce serait donc une grave erreur d’adopter une politique orientée vers les garçons plutôt que vers celles et ceux qui ont de réels besoins. " Pour être efficace, une politique de la réussite se doit d’être globalisante, c’est-à-dire s’appliquer à la fois aux filles et aux garçons. Une fois celle-ci adoptée, il faudra ensuite s’assurer, dans un contexte de rareté des ressources, que les milieux socio-économiquement faibles en sont les premiers bénéficiaires, parce que c’est là que les écarts entre les sexes se réduiront davantage ", conclut le chercheur. Nouvelles CSQ, Automne 2007. Pour plus d’information sur ce livre` Mis en ligne le 2 juin 2010. |
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