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Démocratie et égalité des sexes, de Diane Guilbault

par Joanie Bolduc

Diane Guilbault jette la lumière sur plusieurs points importants et peu médiatisés du débat sur les accommodements raisonnables. Elle repère des lacunes dans les présupposés de la commission Bouchard-Taylor.

Cet ouvrage aurait pu s’appeler « Comment la religion est un obstacle à la démocratie et à l’égalité des sexes ». Diane Guilbault jette la lumière sur plusieurs points importants et peu médiatisés du débat sur les accommodements raisonnables. Elle repère des lacunes dans les présupposés de la commission Bouchard-Taylor : trop peu de place y a été faite aux femmes et aux féministes et on a dilué le facteur religieux dans la notion englobante de « pratiques culturelles ». Pourtant, la plupart des « accommodements » ayant choqué le public touchaient à ces deux domaines. Ce débat, elle le pense par rapport à la démocratie conçue comme devant garantir la « capacité de faire des choix », l’« égalité des sexes » et le « principe de la laïcité ». Pour elle, le « scandale » des accommodements est emblématique du type de résistances et de reculs qui menace les valeurs choisies collectivement par la démocratie québécoise.

D’abord, elle situe les accommodements pour raisons religieuses dans le contexte mondial de la montée des intégrismes tels le conservatisme chrétien à la sauce nord-américaine et l’islamisme politique. Elle montre ensuite comment le multiculturalisme canadien favoriserait, dans les différentes communautés issues de l’immigration, le maintien d’une vision figée de la culture d’origine, déconnectée des transformations vécues par le pays de naissance et souvent oppressante pour les femmes. L’instrumentalisation des chartes des droits représente la troisième menace pour la démocratie québécoise. L’auteure avance que l’interprétation des chartes dépasse les intentions du législateur et que la jurisprudence prouve que toute demande qui invoque la liberté religieuse est automatiquement acceptée. Finalement, et il s’agit là d’un argument fort de l’essai, elle pose que si les accommodements raisonnables ont donné lieu aux débordements que l’on sait, c’est à cause de la définition trop large que la Cour suprême a donnée de la liberté de religion. À ces menaces et reculs potentiels pour la démocratie québécoise, la commission Bouchard-Taylor, d’après Diane Guilbault, n’offre pas de réponse appropriée. Elle reproche aux deux commissaires d’organiser leur analyse autour du malaise identitaire québécois francophone devant l’immigration et d’oublier les deux irritants majeurs évoqués par les participants, hommes ou femmes, aux consultations de la commission : les questions d’inégalité entre les sexes et les atteintes portées à la laïcité sous prétexte d’accommodements religieux.

Pour remédier à ce rendez-vous manqué, Guibault propose deux pistes d’actions « démocratiques et féministes » propres au Québec sur ses valeurs communes. Mieux affirmer d’abord la laïcité du Québec à travers tous les représentants et représentantes de l’État, s’inspirant ainsi de la démarche républicaine française. Resserrer ensuite la définition de la liberté de religion pour déjudiciariser le religieux et le laisser à l’espace privé. L’auteure conclut par un appel au ralliement autour du combat pour la libération des femmes.

En voulant promouvoir l’émancipation des femmes, l’auteure s’arroge toutefois le pouvoir de décider qui est féministe et qui ne l’est pas. Elle exclut par exemple les femmes qui portent le foulard et celles qui les défendent, écartant du coup les féministes musulmanes et postcoloniales hors de solidarités féminines possibles. On sent aussi l’influence des positions du Conseil du statut de la femme, entre autres de l’Avis présenté à la commission Bouchard-Taylor promouvant l’interdiction des signes religieux dans la fonction publique. Bref, Diane Guilbault a su mettre en lumière des enjeux importants du débat sur les accommodements raisonnables, mais n’a pas réussi à présenter une perspective rassembleuse, même du point de vue féministe, malgré ses efforts en ce sens.

Diane Guilbault, Démocratie et égalité des sexes, Montréal, Éditions Sisyphe, 2008, 138 pages

Joanie Bolduc, Les Cahiers de lecture de L’Action nationale, vo. III, no. 2, printemps 2009.

 
Information sur ce livre.

Mis en ligne le 13 novembre 2009.

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